Daeng Lala : les pêcheurs Youtubeurs

A blue and white wooden boat on the sandy beach with the name 'DAENG LALA' painted on its side.

J’en ai déjà un peu parlé lors de mes précédents articles et je crois que c’est bon, il est temps d’aborder le sujet de la rencontre clairement la plus funky que j’ai faite jusqu’alors durant mon périple : celle de Daeng Lala et de son équipe.

Daeng Lala Team

Qui est Daeng Lala vous demandez-vous ? Eh bien Daeng Lala est un habitant de Baubau qui travaillait auparavant dans un bureau, pour une compagnie pétrolière. Il y a deux ans environ, il a décidé qu’il en avait marre de cette routine et il a décidé de devenir pêcheur. Choix risqué de carrière on pourrait penser mais il ne s’agit pas tout à fait d’un pêcheur comme n’importe quel autre en Indonésie. Il s’agit d’un pêcheur… Youtubeur !

En effet son activité de pêche n’est pas sa principale source de revenus mais plutôt sa chaine Youtube puisqu’il compte à l’heure où j’écris… presque 900 000 abonnés ! Bon ça je l’ai découvert après mon séjour à Baubau mais les pêcheurs ont également un compte TikTok qui compte 500 000 abonnés. Complètement zinzin et clairement du jamais vu pour moi !

En plus d’être une personne souriante, avenante et très généreuse, Daeng Lala est clairement un homme intelligent qui a su proposer du contenu de qualité qui plait à ses abonnés. Et dites-vous que le plus drôle dans tout ça, c’est qu’il filme et monte ses vidéos à l’aide de son téléphone portable, en utilisant la version d’essai d’un logiciel de montage ! Mario mon hôte indonésien m’a dit qu’un jour il hébergeait un de ses amis européen qui essayait justement de gagner sa vie sur Youtube. Le gars était hyper équipé : caméra full HD, drone, etc… Quand il a vu le nombre d’abonnés de la chaîne Youtube de Daeng Lala, il a halluciné parce que lui il galérait à construire son audience. Comme quoi l’important ce n’est pas le matériel mais bien le contenu.

J’ai dit que Daeng Lala était une personne généreuse et ça c’est vrai. La preuve est que sa chaîne Youtube emploie une trentaine de pêcheurs et qu’il fait croquer tout le monde. Des revenus bien mérités si vous voulez mon avis.

Le principal lieu de tournage c’est la plage de Lakeba, le repaire des pêcheurs. Là-bas on peut y trouver une petite flotte de bateaux de pêche, qui portent fièrement le nom de la chaïne Youtube (cf la photo de couverture de l’article).

Children playing with a small boat in shallow turquoise water, while one child sits on the sandy beach.
Les pêcheurs qui reviennent d’un petit tour en bateau avec les enfants.

Grâce à l’argent de Youtube, Daeng Lala et son équipe ont pu s’offrir ces chouettes cabanes en bois surélevées. Il y en a 4 ou 5 au total : les autres cabanes sont un peu plus petites et se trouvent en face de celles que vous voyez.

Makan !

Daeng Lala, je l’ai rencontré dès mon premier jour à Baubau . Le weekend suivant mon arrivée, et comme (très) souvent les weekends, c’est la fête sur la plage de Lakeba. Fête à laquelle nous avons été conviés et on va pas se mentir, où nous avons été reçus comme des rois.

Nous arrivons sur la plage de Lakeba en milieu de matinée, après être allés acheter quelques provisions (des ananas en l’occurence) pour participer au repas du midi. De nombreux pêcheurs sont déjà là, ainsi que des familles du coin avec leurs enfants. Bon vous vous doutez bien que qui dit pêcheurs dit menu à base de poisson, mais ça c’est bon j’ai déjà de l’entrainement à Baubau . Qui dit pêcheurs dit surtout poisson frais (dédicace à Ordralfabétix qui lui ne sait pas ce que c’est), et donc barbecue sur la plage. Ce qui donne une chouette ambiance dans un cadre qui l’est encore plus.

Group of people standing by a barbecue with grilled fish at the beach.
Daeng Lala se trouve à ma droite.

Et là c’est l’épiphanie, la révélation ultime qui a lieu du côté de mes papilles gustatives. On me sert une épaisse tranche de poisson grillé au barbecue en me disant que c’est du thon. En France, le thon c’est souvent en boite et souvent passablement bon. Là il n’y a plus rien à voir. C’est absolument délicieux : c’est épais mais avec un goût assez fin et ça a un peu la texture de la viande. C’est beaucoup trop bon ! En bon Français que je suis, je ne peux m’empêcher de lâcher des « Hmmm, hmmm ! » de délice tout en dévorant mon assiette, composée de thon, de riz (vous avez cru y échapper ou quoi ?) et de légumes.

Les pêcheurs sont absolument ravis de voir que je me régale autant et Giang et Mario s’amusent beaucoup parce que je ne parle plus du tout, trop concentré que je suis à déguster cette tranche de bonheur cuite au barbecue. Voyant que j’aime (beaucoup) trop ça, la Team Daeng Lala me propose de me resservir en thon, ce que j’accepte évidemment derechef.

Je ne suis qu’un homme après tout, comment pourrais-je résister à ça ?

En plus de cette expérience culinaire inoubliable, je découvre des spécialités indonésiennes à base de manioc. Bon là on est pas sur le même niveau mais c’est toujours chouette et enrichissant de découvrir des mets locaux.

Vous l’aurez compris, depuis que j’ai eu la chance de goûter au thon (au vrai en tout cas) ma vie a changé. C’est donc tout naturellement que j’ai demandé à Mario de m’emmener régulièrement au marché pour pouvoir acheter du thon pour toute ma famille indonésienne, parce que c’est beaucoup trop bon et qu’il me fallait ma dose hebdomadaire a minima.

Cours d’anglais

Mario, dont l’activité principale est de donner des cours d’anglais, a également proposé à ses amis pêcheurs que nous leur donnions quelques petites leçons informelles. Quand je lui ai demandé pourquoi il ne leur dispensait pas lui-même les cours, il m’a répondu qu’avec lui les pêcheurs n’étaient pas motivés mais par contre venant d’un étranger, là ça devenait tout de suite plus intéressant.

Et nous voilà donc tranquillement installés à l’étage de la cabine principale, en face de la plage, avec de quoi grignoter et du café chaud : le cadre idéal pour une belle leçon d’anglais improvisée.

Le niveau d’anglais de la Team Daeng Lala est quasi inexistant, à l’exception d’Azeril, le jeune pêcheur que vous voyez en manches courtes à gauche de la photo ci-dessous, qui lui se débrouille pas trop mal. À l’image de Lionel le neveu de Mario, son niveau d’anglais lui vient de l’école mais surtout des diverses vidéos en anglais qu’il regarde quotidiennement.

Giang et moi choisissons d’ignorer la proposition de Mario qui tient à ce que nous enseignons aux pêcheurs à se présenter. Pas besoin de ça, ils savent déjà le faire. À la place, nous leur apprenons des petits mots pour se débrouiller avec les principales questions (Qui, Quoi, Où,…) et en pointant des choses ici ou là-bas, car nous savons que c’est comme ça qu’ils communiquent le plus avec les quelques touristes qui visitent la plage de Lakeba.

Eh oui, leur volonté d’apprendre anglais vient avant tout de leur désir de communiquer avec les (rares) étrangers qui visitent les lieux et qu’ils reçoivent à coup sûr à chaque fois comme il se doit.

Les pêcheurs nous écoutent avec le plus grand sérieux et tiennent à respecter à la lettre les deux seules règles que nous imposons pendant nos cours (à l’image de nos cours d’anglais en Malaisie ), c’est à dire s’amuser et surtout ne parler qu’en anglais. Moi de mon côté j’essaie d’apprendre au quotidien chez Mario le bahasa indonesia.

Je gage que j’apprendrais à parler leur langue bien plus vite qu’eux n’apprendront l’anglais. Déjà parce que j’ai un peu l’habitude d’apprendre une langue nouvelle donc je sais à quoi il faut faire attention pour progresser rapidement. Ensuite et surtout c’est une langue qui a l’air relativement simple, sans conjugaison et qui s’écrit comme ça se prononce à l’aide de l’alphabet latin.

Je leur fais remarquer que clairement ils auraient tout à gagner à pouvoir proposer des sous-titres en anglais à leur vidéo. Ça leur permettrait de pouvoir toucher une audience bien plus importante parce que beaucoup de spectateurs sont déjà fascinés par les belles images qu’ils proposent, manque juste à comprendre ce qui se dit.

Cette petite leçon au bord de la plage est un très chouette moment passé ensemble, mais un peu moins pour Giang, qui ne supporte pas vraiment la fumée de cigarette. Il est vrai que je n’en ai pas encore parlé mais l’intégralité de la Team Daeng Lala fume comme un pêcheur pompier. Après avoir fait quelques recherches , les membres de la Team ne sont clairement pas des exceptions : l’Indonésie compte le plus grand taux de fumeur chez les hommes adultes avec près de 75 % !

Nous l’avons nous-même constaté de nos yeux (et nos narines) : quasiment tous les hommes de plus de 15 ans que je croisais étaient fumeurs. Et pas des petits fumeurs mais plutôt de véritables cheminées, enchaînant clope sur clope (sur clope). Les cigarettes sont là-bas près de 8 fois moins chères que chez nous (pas dur en même temps vu le prix en France) et ça se voit. D’ailleurs c’est l’un des rares pays où je voyais des banderoles de pubs pour marques de tabac accrochées en haut des petits commerces. Des pêcheurs adorables mais avec clairement un gros défaut, celui de cloper en permanence. On peut pas tous être parfait comme moi.

Mes meilleurs potos

Sur la plage, je me suis même fait des potos ! Il faut dire que j’étais le seul adulte (et le seul tout court en fait) à jouer avec cette fratrie. Nous nous sommes donc amusés ensemble comme des petits fous à sauter du haut du gros rocher au bord de la plage, qui est immergé à marée haute. « Jump, jump ! » : eux aussi apprennent l’anglais avec moi.

Bon il est clair que notre communication est assez limitée mais je parviens quand même parfois à comprendre quelques mots quand ils me parlent. Et puis c’est facile aussi parce qu’Ils m’interpellent toutes les 5 secondes : « Ben, Ben ! » pour me faire des coucous ou des grimaces. Eux au moins savent s’amuser et profiter pleinement de la plage, à l’inverse de tous les adultes qui sont restés à l’ombre dans les cabanes.

Jouer avec ces enfants m’a rappelé une constante qui est propre à n’importe quel enfant de la planète : pas besoin de se comprendre pour jouer ensemble et devenir meilleurs potos. Indéniablement la leçon de vie dont devrait s’inspirer tout un chacun.

Un autre détail qui est marrant et que j’ai pu observer à d’autres moments à Baubau, c’est que certains enfants n’ont pas de maillot de bain mais se baignent à la place en jean, carrément !

J’ai un peu menti, ce jour-là nous ne sommes pas les seuls dans l’eau. Giang aussi s’est baignée et en a même profité pour tester de filmer sous l’eau parce que son Iphone a la certification IP68, celle qui assure une certaine robustesse face aux intempéries du quotidien et permet d’être résistant à l’eau et à la poussière par exemple. La plage de Lakeba c’est un chouette endroit parce qu’il y a quand même plein de jolis poissons à admirer. Un beau moment de vie et aussi une leçon inoubliable pour Giang : résister à l’eau ça ne veut pas dire être fait pour rester immergé en permanence.

L’heure des tests est finie et le verdict finit par tomber : l’Iphone 11 tient près de 30 minutes sous l’eau et peut alors être rallumé une dernière et unique fois.

Tout juste le temps pour votre blogueur préféré et prévoyant de transférer toutes les vidéos et photos qui n’ont pas encore été sauvegardées : vite vite la course contre la montre commence ! C’est bon tout a été transféré sur un autre appareil, l’Iphone de Giang rend alors son dernier soupir.

C’est limite poétique de rendre son dernier souffle dans un endroit aussi chouette que la plage de Lakeba, c’est au moins ce que nous pouvons nous dire pour nous consoler un peu.

Au calme sur la plage de Lakeba

Un autre weekend nous sommes revenus pour revoir les pêcheurs et pourquoi pas leur redonner une petite leçon d’anglais. Mario a pour habitude de ne jamais leur demander s’ils sont disponibles parce que de toute façon ils sont toujours fourrés là-bas. Habitude qu’il devrait clairement perdre puisque ça lui coûterait seulement une minute de son temps de leur envoyer un message et ça nous aurait peut-être permis de faire autre chose ce jour-là.

Quand nous sommes arrivés sur les lieux c’était la grosse fiesta avec le son à fond (mais vraiment à fond) dans les énormes enceintes apportées pour l’occasion. Impossible donc de se poser au calme et de pouvoir dispenser un p’tit cours aux pêcheurs qui de toute façon étaient trop occupés.

Tout n’est pas perdu ceci dit : nous nous promenons avec Mister (le surnom d’un des jeunes membres de la Team) sur la plage de Lakeba quand un peu plus loin, nous apercevons un autre pêcheur de la Team Daeng Lala. Ce dernier est en train de vaquer à ses occupations avec sa famille, tranquillement installés dans leur petite cabane de pêche. Nous lui demandons si nous pouvons poser nos affaires dans sa cabane et pourquoi pas entrer un peu pour la visiter. Ce qu’il accepte avec un grand sourire. Je ne sais pas exactement ce qu’il fabrique mais sa femme et lui sont en train de préparer des algues en vue de les revendre plus tard, au marché probablement.

People working on a stilt hut above the water, processing seaweed with ropes and nets scattered around, while others sit and smile nearby.
Mister au premier plan à droite, Mario à sa gauche.
A woman in a black and white rash guard stands on a tropical beach making a playful pout, with palm trees and a stilt hut over the water in the background.
Giang et son meilleur sourire.

Un moment donné, nous le voyons qui s’installe à bord de sa petite barque à rames. Nous lui demandons aussitôt si c’est possible de l’accompagner un peu, sans vraiment savoir où il va. Il accepte et il s’avère que nous n’allons pas vraiment quelque part en particulier mais faisons plutôt une petit promenade des plus agréables, dans les environs de sa cabane. Ce qui me vaut de me faire remarquer et interpeller joyeusement par les différents baigneurs du coin, à grands coups de « Hey Mister ! », comme ça se fait partout à Baubau .

Il nous ramène finalement et repart à nouveau, cette fois pour une destination qui nous sera inconnue. À nouveau une chouette après-midi passée tranquillement sur la plage de Lakeba.

Colorful sunset over the ocean with small boats silhouetted on the calm water and sandy beach in the foreground.
Après le coucher de soleil, la plage de Lakeba vaut clairement le détour.
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