Baubau Inggris

Group of children and a few adults smiling and posing playfully on a village street with houses and palm trees in the background.

Comme je l’ai abordé en narrant le déroulé de mon premier jour à Baubau , j’ai pu séjourner chez Mario mon hôte indonésien en échange de donner des cours d’anglais.

Baubau Inggris (traduisez par Anglais à Baubau) c’est le nom que Mario a choisi pour son programme de cours d’anglais privés, l’une de ses deux principales activités professionnelles.

La méthode Mario

À ma grande surprise, Mario ne nous a presque pas demandé de participer aux cours d’anglais privés qu’il donne à domicile. J’ai seulement été invité à intervenir deux fois pour faire le récap’ avec les étudiants pendant les cinq dernières minutes de cours, histoire de voir s’ils avaient bien assimilé ce qui avait été enseigné par Mario.

Plutôt que de dire étudiants, je devrais dire étudiantes parce que je n’ai vu en fin de compte que deux étudiantes différentes qui participaient au même cours. Ces deux étudiantes sont meilleures amies et je trouvent qu’elles symbolisent bien la vision de l’Indonésie que j’ai : Nuriani est musulmane, a les traits indonésiens et porte le hijab tandis que Fiona a les traits plus asiatiques (côté chinois) et ne porte pas de voile, seulement un masque en permanence. C’est marrant parce que je me suis dis que de l’une je n’avais jamais vu les cheveux tandis que pour l’autre c’était sa bouche qui était toujours cachée.

Smiling woman standing inside a shop with paint buckets stacked on one side and mattresses wrapped in plastic on the other.
Fiona, dans le magasin de peinture de ses parents, la seule et unique fois où je l’ai vue sans masque !

Ces deux jeunes étudiantes que tout oppose sur le papier sont meilleures amies et c’est la raison pour laquelle elles participent toutes deux au même cours. C’est vraiment parce que Fiona tient beaucoup à Nuriani qu’elle veut absolument avoir cours avec elle. En effet Fiona se débrouille vraiment très bien en anglais tandis que son alter ego voilée galère comme pas possible, en plus d’être très timide et de manquer clairement de confiance en elle, ce qui est forcément un frein pour apprendre et parler une langue étrangère. À la place de Fiona, j’aurais trouvé le temps et l’écart de niveau trop important mais bon que voulez-vous, c’est le pouvoir magique de l’amitié.

Quand même je me dis qu’après avoir eu des cours privés pendant un an en plus d’apprendre l’anglais à l’école, le niveau de Nuriani devrait être bien plus élevé que ça ! En fait je résous le mystère assez vite en prenant garde à la façon dont Mario dispense ses cours.

90 % du temps je l’entends parler et expliquer des choses en indonésien, tandis qu’il écrit au tableau des mots dans les deux langues.

C’est clairement là son erreur à mon sens. Pour apprendre correctement une langue il faut s’en imprégner, il faut baigner dedans. Si les très jeunes enfants apprennent à parler si vite c’est bien parce que leurs parents leur parlent sans arrêt et leur répètent constamment les mêmes mots dans leur langue. Loin de moi l’idée de blâmer Mario qui n’est jamais sorti de chez lui, il ne connait certainement pas d’autres façons de faire.

Et c’est bien ce que nous comptions lui montrer avec Giang.

Avec les enfants

Forts de notre expérience avec d’autres enfants en Malaisie comme avec les pêcheurs adultes de Baubau , Giang et moi-même continuons d’appliquer scrupuleusement les deux seuls règles que nous imposons à nos élèves :

  • Ne parler qu’en anglais (facile pour nous qui ne parlons presque pas indonésien).
  • Et surtout S’AMUSER !

Ça pour le coup je pense que tous nos participants l’ont bien intégré !

Giang et moi avions de temps en temps des réunions de télétravail pendant nos cours. Mario était au courant et nous a toujours dit de ne pas nous inquiéter et que tout serait très flexible. On a donc pu parfois carrément décaler certains cours ou encore s’organiser de façon à ce que l’un de nous assurait le cours pendant que l’autre avait réunion en même temps. De façon plus globale, je me suis occupé de donner les cours aux enfants et Giang aux adultes.

Quand je dis cours c’est quand même un mot qui reflète un gros aspect scolaire. Disons plutôt des ateliers où je parle (très) fort et fais jouer et répéter les enfants en permanence tout plein de choses en leur montrant des parties du corps ou en leur demandant d’aller toucher un objet d’une certaine couleur par exemple.

Un beau jour, j’en ai eu marre d’être enfermé dans “l’hôtel de ville” où nous donnions les cours et j’ai pris les devants en proposant à tout le monde de faire un cours déambulatoire dans le village des pêcheurs.

Nous voilà avançant gaiement au rythme de mes indications :

« Touchez quelque chose de rouge ! Où est l’école ? »

Le tout sous les yeux amusés des habitants du coin qui n’ont clairement pas l’habitude d’assister au spectacle d’un touriste étranger qui donne des cours en se promenant dans les rues.

Group of children running with an adult down a village street lined with houses and palm trees toward the sunset.
On y va même au pas de course !

Au fur et à mesure de notre passage, notre groupe s’agrandit et il devient difficile de faire vraiment cours avec tout ce monde mais qu’importe, tout le monde s’amuse beaucoup et a un premier contact avec la langue. De quoi leur donner envie d’en apprendre davantage par la suite je l’espère.

À un moment, je demande aux enfants de toucher une table. Certains rigolent mais la plupart ne s’exécutent pas en répondant : « Ikan ». Je comprends alors qu’il s’agit de la table qui sert d’étal à poissons pendant la journée.

Group of children and an adult gathered on a village street, engaging in a lively outdoor activity.
Leçon du jour : attention à ce qu’on touche dans un village de pêcheurs !

J’ai encore pas mal à apprendre sur la vie à Baubau !

Après un petit tour dans les rues direction le port, histoire de mêler l’utile à l’agréable et de profiter un peu du coucher de soleil.

Man crouching and talking with a group of children sitting together by the waterfront with boats and a sunset in the background.
En bas !
Man leading children in raising their arms during an outdoor activity by the waterfront at sunset.
En haut !

Nous aurions quand même tort de ne pas profiter du port pour prendre une chouette photo de groupe, tellement le cadre est joli.

Certains des enfants étaient quand même très studieux et recopiaient avec application le vocabulaire inscrit au tableau à la fin du cours.

À nouveau donner des cours d’anglais aux enfants aura été une chouette expérience même si à la différence des cours en Malaisie, cette fois-ci l’assiduité des élèves était vraiment sporadique et c’est un peu compliqué d’assurer une continuité d’enseignement quand on a presque jamais les mêmes élèves qui reviennent.
Certains ne sont venus qu’une seule fois et certains nous ont seulement suivi dans la rue, mais bon c’est le jeu ma pauv’ Lucette et j’en garderai toujours un chouette souvenir.

Avec les adultes

Même si nous avons rencontré le chef du district dès notre premier jour en Indonésie, la mise en place de ces cours d’anglais ne s’est pas faite instantanément. J’ai appris qu’en Indonésie la ponctualité est une notion relative et que la transmission d’informations fiables l’est tout autant.

Mais après presque deux semaines d’attente et d’informations reçues au compte-goutte, nous avons quand même pu commencer à donner nos cours. Le premier soir de présentation des cours auprès des adultes, c’est plus d’une trentaine de personnes qui se sont présentées face à nous !

Bon comme il n’y avait aucune obligation pour qui que ce soit de payer ou de participer à tous les cours, le nombre des participants a chuté au fur et à mesure jusqu’à atteindre un noyau dur d’une douzaine de jeunes adultes.

Environ 30 % de rétention, c’est plutôt une bonne stat pour le coup.

En Malaisie, nous avions déjà pas mal commencé à préparer nos cours avec le plus de jeux et d’activités amusantes possibles. Giang m’a dit un jour qu’elle voulait aussi les tester avec les jeunes adultes. Moi j’avoue que je n’étais pas du tout convaincu quant au succès de cette proposition.

Qu’il est bon parfois de se tromper : non seulement nos jeunes étudiants se prennent au jeu mais en fait ils sont encore plus à fond que les enfants !

Que ce soit pour faire “la course au vocabulaire” ou pour se déplacer tous ensemble en apprenant comment dire « Tourner à droite, demi-tour, etc. », tout le monde apprend du mieux qu’il peut et s’amuse comme un petit fou.

Les cours des enfants se finissant à 17h30, nous voulions à la base que ceux des adultes commencent à 18h.

Impossible nous répondent les étudiants pendant notre soirée de présentation et pour cause : c’est l’heure de l’appel à la prière.

En effet tous les participants étaient musulmans mais ça vous l’aviez peut-être déjà remarqué vu l’omniprésence des hijabs sur les photos. À la différence des cours avec les enfants, nous avons pu pour une fois vraiment discuter avec nos étudiants et échanger à propos de nos vies respectives.

La religion conditionne réellement la vision des choses de ceux qui la pratiquent et j’ai eu parfois des réponses de leur part qui m’ont amusé mais surtout surpris. Par exemple une fois je leur ai demandé ce qu’ils feraient et où ils voyageraient s’ils étaient riches. La plupart d’entre eux n’avait pas trop d’idée mais quand une étudiante a dit qu’elle irait à coup sûr à la Mecque, ils ont tous approuvé instantanément, à grands renforts de « Mashallah ! ».

Une autre fois je discute de façon informelle avec une étudiante nommée Nani et lui demande si elle a un petit copain. Elle me répond que c’est impossible pour eux, les musulmans, de se fréquenter et que du coup ils passent directement par la case mariage. Je poursuis en lui demandant si elle est pour ou contre le mariage arrangé. Elle me répond qu’elle souhaiterait choisir son mari mais que si ses parents lui en choisissent un qui lui convienne alors elle serait d’accord. Je ne me suis toujours pas remis de cette réponse et je n’arrive toujours pas non plus à trancher pour savoir si je la trouve super conservatrice ou au contraire progressiste, ou plutôt un savant mélange des deux à la fois.

L’heure des au revoir

Le dernier jour nous organisons avec les étudiants un petit goûter d’adieu. Je réalise quand même que c’est vraiment pas commun pour eux d’avoir des étrangers qui sont là parce que l’une d’entre eux nous demande si on peut lui enregistrer un message en vidéo pour son anniversaire qui aura lieu un peu plus tard.

À un moment ils m’ont vu en train de tenir Giang par la hanche et ils étaient au taquet parce que clairement ça ne se fait jamais chez eux. Du coup, mon petit côté plaisantin oblige, je les ai interpellé à la fin du cours en leur disant « Eh regardez ! » et j’ai embrassé Giang sur la bouche.

Véritable explosions de rires et de petits cris surexcités de leur part : un de mes plus beaux moments à Baubau et de loin !

Group of teenagers and adults indoors smiling and making peace signs while posing for a selfie.
Mario n’a décidément pas le sourire facile, contrairement au reste du groupe !

Ces cours d’anglais étaient vraiment une expérience inoubliable et la gentillesse des jeunes étudiants me restera toujours en mémoire. En plus de ça certains d’entre eux nous ont même fait des petits cadeaux d’adieu, que je garde précieusement.

Comme quoi on a pas du être si terribles que ça comme profs !

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