Ohsem English
Comme j’en ai déjà parlé, notre principale mission Workaway à Kepala Batas était de donner des cours d’anglais aux enfants du coin. Le programme, baptisé Ohsem English (Wow Anglais) est piloté par Nasrul qui assure la diffusion des informations aux parents via What’sApp.
Toute préparation est inutile
En bon donneur d’infos approximatives qu’il est, il nous avait dit qu’il serait présent pour le premier cours et que non, pas besoin de préparer quoi que ce soit, ces petits cours étant plus axés sur la prononciation et la participation à l’oral. Sachant que nous le lui avions demandé bien bien en amont, quand nous étions encore en Thaïlande.
Nous voilà donc partis un vendredi soir pour le premier cours d’introduction et de présentation. Nasrul nous introduit brièvement aux 17 enfants qui sont présents (ce qui est un très bon chiffre, la limite étant fixée à 20 élèves). Une fois notre brève présentation accomplie, il se tourne vers nous et déclare : « OK c’est à vous. », puis va s’asseoir dans un coin.
Heureusement qu’il n’y avait rien à préparer sinon on aurait un peu eu l’air de glands !
Mais nous sommes des voyageurs aguerris rôdés à toute épreuve et notre faculté de résilience est très forte, ce n’est pas ça qui allait nous arrêter, d’autant que Giang donne fréquemment des cours d’anglais au Vietnam. Même si nous avons des façons d’enseigner assez opposées, nous avons quand même réussi à trouver le bon compromis pour enseigner le mieux possible aux enfants.
Durant nos cours nous n’avons que deux règles essentielles :
- On ne doit parler qu’en anglais (sinon c’est trop facile).
- Il faut s’amuser le plus possible : le jeu étant à mes yeux le vecteur d’apprentissage le plus efficace.
Très vite nous nous sommes rendus compte que ces cours allaient être un chouette moment à passer puisque nos petits élèves étaient tout simplement adorables.
Des enfants géniaux
De prime abord cela a été un peu déroutant, pour eux comme pour nous.
D’abord parce que je dois avouer que je n’étais pas vraiment habitué à voir et communiquer avec des petites filles qui portaient toutes le hijab. Ensuite et surtout parce que les enfants étaient très timides au début.
Quand on est timide et qu’on porte un masque qui couvre la bouche, ce n’est pas très facile de se faire entendre et comprendre. Mais à force de sourires et d’encouragements de notre part, tout le monde a fini petit à petit par se lâcher un peu et plus on donnait cours, plus les enfants n’avaient pas peur de parler anglais fort et devant tout le monde.
Les filles étaient majoritaires et constituaient environ deux tiers du groupe. J’en garde vraiment le souvenir d’enfants très gentils et polis. La preuve c’est qu’on leur a dit de nombreuses fois de nous appeler Ben et Giang mais ils n’ont jamais pu : ils s’adressaient systématiquement à nous en disant « Teacher, Teacher » (Professeur, professeur).
Le seul petit hic c’est qu’ils avaient des prénoms assez nouveaux pour moi et que j’ai mis un peu (trop) de temps à les retenir quand d’habitude il ne me faut qu’une seule journée.
Et là où je dois dire que j’ai été agréablement surpris, c’est le jour de mon anniversaire. La veille, alors que j’étais parti aux latrines à la fin du cours, Giang a juste passé le mot à Balkis, l’une des élèves qui parlait le mieux anglais, en lui disant que le lendemain était le jour de célébration de ma formidable naissance. Même si près de la moitié des élèves était déjà partie, il en restant quand même une autre moitié, à qui il n’aura pas fallu le répéter deux fois.
Le lendemain, je croyais alors être le seul à leur faire une petite surprise en déclarant à la fin du cours que comme c’était aujourd’hui mon anniversaire, nous allions leur distribuer des bonbons thaïlandais parfum Durian (beuuuurk !).
Et quelle ne fut pas ma surprise donc quand à la fin du cours je les ai vu se diriger vers leurs sacs pour en sortir des cartes d’anniversaire maison.
Je ne suis pas le genre de personne à pleurer face à des situations émotionnellement fortes mais là j’aurais clairement pu. Quelle chouette attention qui m’a fait plus que plaisir. Balkis m’avait carrément fait un petit paquet avec des chocolats et du chocolat chaud en poudre et Amanda, en élève douée qu’elle est, m’avait confectionné une superbe carte en pop-up.
Sans conteste un des meilleurs cadeaux qu’on m’ait fait pendant mon voyage.
Tout le monde est malin à sa façon
Parfois les apparences sont trompeuses. C’est le cas d’Iman, l’élève bien (bien) dodu que vous pouvez apercevoir sur les photos. C’est l’un des rares à être venus à absolument tous les cours : certains avaient lieu en soirée la semaine et les enfants étaient fatigués. C’était aussi clairement le moins bon en anglais puisque j’avais l’impression qu’il galérait pas mal à l’oral comme à l’écrit. Mais toujours volontaire et souriant, gentil avec les autres et plein de vie et d’humour, ce qui en faisait clairement mon petit chouchou et protégé.
Au travers de ses difficultés en classe, j’avais une fausse idée de lui en le croyant un peu plus limité que les autres. Mais j’ai pu réaliser que ça faisait plaisir de se tromper, encore plus à propos mes chers petits élèves malaisiens.
Un truc dont je ne vous ai pas encore parlé c’est le fait que nous avons régulièrement du attendre que l’on nous donne les clefs pour ouvrir la petite salle communale où nous dispensions les cours. Souvent nous arrivions à nous en passer en restant tout simplement à l’extérieur parce que c’est toujours plus sympa et propice aux jeux qui requièrent de se déplacer, sauter, danser, etc.
Mais là c’était en soirée et c’était quand même bien mieux de rester à l’intérieur. Pas possible de compter directement sur Nasrul qui n’est plus jamais revenu aux autres cours, nous laissant en totale autonomie. Quand la salle était fermée nous lui envoyions un message et il faisait le nécessaire pour dépêcher quelqu’un. Comme j’en parle ailleurs , une grille est souvent placée devant la porte d’entrée en Malaisie.
Ce soir-là, la porte d’entrée de la salle était ouverte mais la grille était fermée. Avec Giang nous nous sommes dit « Zut c’est encore fermé, il faut envoyer un message » et avons paisiblement attendu devant la salle, rien de bien nouveau. Pas de réponse sur What’sApp mais voilà qu’au bout d’un moment, les élèves ouvrent la grille et nous permettent de rentrer dans la salle. Nous avions tellement l’habitude que ce soit fermé par un cadenas que nous n’avons même pas essayer d’ouvrir le loquet du bas de la porte. Quand j’ai demandé aux élèves qui avait été bien plus malin que nous sur le coup, ils m’ont répondu : « Iman ! ». Comme quoi j’avais vu juste : Iman c’est vraiment mon gars sûr.
Une petite leçon d’humilité (ça fait du bien !) qui nous rappelle que tout le monde peut être malin à sa façon, selon les circonstances. Ce qui n’a clairement pas été le cas de Giang qui un soir, a tout bonnement enfermé les clefs du scooter dans son coffre !
Heureusement qu’un parent d’élève (contacté par Nasrul), tout suant après une heure d’effort par une chaude soirée, a réussi à ouvrir le coffre à l’aide de deux tournevis.
Ça l’a fait pas mal rire et depuis ce jour là Giang a été interdite de gérer les clefs de notre chouette scooter.
Pauvre d’elle ah ah, mais bon que voulez-vous, aux grands maux les grands remèdes !
Un franc succès
Ces trois semaines de cours d’anglais ont été un franc succès et j’ai plusieurs indicateurs pour l’évaluer :
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Le premier c’est le nombre important d’enfants qui sont venus à chaque fois alors que les cours avaient lieu en soirée, en matinée pendant les vacances ou même le samedi matin. Ceci même sans obligation de venir à tous les cours. Giang qui a étudié dans ce domaine, m’a appris que donner des cours complètement gratuits étaient une mauvaise pratique parce que des études ont montré que beaucoup d’élèves venaient alors de façon sporadique puisqu’il n’y avait aucune répercussion financière. Le mieux aurait été soit de faire payer un faible montant (les parents du coin avaient les moyens car beaucoup venaient en voiture), soit de faire payer une certaine somme qui serait entièrement remboursée si les élèves assistaient à tous les cours.
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Le second indicateur c’est qu’après avoir donné à peine un seul cours, un parent d’élève nous avait déjà invités à un mariage le dimanche qui suivait !
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Le troisième c’est que comme nous donnions souvent cours à l’extérieur, nous étions à la vue de tous et donc des enfants qui passaient dans le coin. Nous avons eu ainsi quelques élèves qui ont rejoint les cours après nous avoir vu de loin et demandé timidement s’ils pouvaient participer eux-aussi.
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Le dernier indicateur c’est tous simplement les parents qui nous remerciaient chaleureusement de notre présence quand on les croisait à la fin du cours. Faut dire qu’encore une fois ça ne court pas du tout les rues les étrangers qui donnent des cours d’anglais gratuitement à Kepala Batas.
Le dernier jour, Nasrul est quand même venu et avait même organisé un petit goûter d’au revoir, en amenant des boissons, des pizzas et des gâteaux de remerciement et d’au revoir. Les enfants aussi avaient été invités à ramener de quoi manger et la palme du Makan (du manger) revient évidemment à mon chouchou dodu d’Iman qui a amené ce qui s’appelle des **curry puff, des bouchées au curry.
Tout simplement délicieux et une découverte pas seulement pour nous mais également pour Nasrul qui en avait même fait un petit post sur Facebook. En même temps vu le gabarit d’Iman, on sait que lui il déconne pas avec le “makan” (manger/repas en langue malaisienne). Sacré lui ah ah !
J’ai pu lire sur Facebook que Nasrul, qui est très actif politiquement , avait fait un post en parlant du programme d’anglais. D’après ce que j’ai compris avec la traduction automatique générée par Facebook, cette publication jetait la pierre à un imam du coin qui faisait payer le même genre de cours pour une qualité inférieure.
Moi je n’ai aucun problème a avoir été un peu “utilisé” de la sorte parce que finalement dans cette histoire il n’y a que des gagnants. Cela apporte à Nasrul de la crédibilité et une image positive auprès de la communauté locale, les enfants bénéficient de cours d’anglais gratuits et nous obtenons un logement et un véhicule gratuits, en plus d’une expérience d’enseignement formidable auprès d’enfants qui l’étaient tout autant.
Merci à lui et merci à eux, ces petits Malaisiens me manquent déjà !
Bonus : Tuju Kasut
Comme je suis un mec cool et que j’aime par dessus tout les jeux, je ne résiste pas à vous en partager un que les enfants nous ont appris et qui s’appelle Tuju kasut.
Le jeu voit s’affronter deux équipes : une qui attaque et une qui défend. Au début du jeu les enfants utilisent leurs claquettes pour construire une sorte de pyramide (eh oui tout le monde là-bas porte plus souvent des claquettes que des chaussures). Ensuite on utilise une autre claquette (qui sera utilisée comme projectile tout le long du jeu) pour faire un strike sur la pyramide de claquettes et les faire tomber.
Le but du jeu pour l’équipe d’attaque c’est de parvenir à reconstruire la pyramide de claquettes. L’équipe de défense, elle, doit parvenir à capturer tous les attaquants avant que ces derniers n’accomplissent la reconstruction de ladite pyramide. Pour capturer un attaquant il suffit de le toucher en lui lançant dessus la claquette-projectile. Les défenseurs n’ont pas le droit de bouger quand ils ont la claquette en main et doivent donc coopérer en se faisant des passes. Quand un attaquant est touché il est éliminé et doit aller s’asseoir dans un coin.
Un jeu terriblement fun même s’il peut paraitre un peu dangereux de prime abord, surtout si on joue avec les claquettes de Daniel, 13 ans qui chausse facilement du 44/45. Mais ce jour-là seule Giang a reçu la claquette dans la tête, rien à déclarer donc. Pauvre d’elle encore une fois !
Nasrul nous a confié que c’était son jeu préféré quand il était petit et j’ai même vu des enfants y jouer quand j’étais en Indonésie. Décidément la Malaisie et l’Indonésie partagent pas mal de choses, mais ça on en parlera plus tard…